Janklo : L’art ou la vie ? Des boîtes de vide remplies de sens

Il était une fois Janklo… Un artiste qui décida un beau jour de brasser l’air de ses mains pour mieux le mettre en boîte et mettre à jour notre quête d’absolu et les dérives de notre société de consommation.

Janklo crée des Vacuity Boxes, des “boîtes de rien” qui signifient beaucoup à l’heure où le contenant est parfois plus important que le contenu. Les rubans des plus grandes marques de luxe françaises emballent du vide, mais celui-ci est-il vide de sens ?

La Galerie Petitjean à Lyon, qui expose l’artiste, vous invite à découvrir l’art de Janklo : une oeuvre qui, derrière ses atours accrocheurs, nous pousse à l’introspection et se révèle plus subversive qu’il n’y paraît… Et plus romantique...

Des oeuvres d’art pour dénoncer la société de consommation ?

”Diesel, Chanel, Cacharel… Putain ça penche, on voit le vide à travers les planches” chantait Alain Souchon dans les années 2000 pour dénoncer la société de consommation, tout en énumérant des dizaines de marques de cosmétiques et de prêt-à-porter. Avec, en creux, l’idée que les marques se suffisent à elles-mêmes : sur les podiums, ce sont elles qui défilent, plus que les créations des stylistes qui les représentent.

Alors, au fond, le monde du luxe nous vendrait-il du vide ? “Du vent” ?

Le mystérieux Janklo semble avoir fait sienne cette réflexion avec ses “Vacuity Boxes” : de jolis paquets cadeaux emballés d’un élégant ruban siglé au nom des plus prestigieuses maisons de mode française : Chanel, Dior, Vuitton… Ces mêmes rubans qui ornent les paquets que l’on vous remet lorsque vous effectuez un (onéreux) achat de cosmétiques.

Sauf qu’ici, les rubans semblent flotter par un étrange tour de magie puisqu’ils entourent du vide et sont eux-mêmes inclus dans un bloc transparent en cristal de synthèse.

Dénonciation ? Mise en abîme ? Il y a des deux, bien entendu. Les marques de luxe se présentent comme des maisons d’excellence, mais elles jouent également sur la notion de privilège : leurs publicités sont largement diffusées, leurs sigles connus de tous, mais leurs produits seraient réservés à quelques happy few, ne serait-ce que par leur prix.

Du coup, pour beaucoup, acheter Dior, Chanel, c’est déjà se démarquer, rejoindre une “élite” fantasmée, forgée à coups d’images de magazines, de défilés, d’égéries célèbres… Au risque, parfois, que l’image de la marque prenne le pas sur le produit réel. “Etre ou avoir” devient alors “avoir pour être”.

Après tout, Courtney Love ne chantait-elle pas dans les années 90, “When they get what they want, they never want it again” ? On désire toujours ce que l’on n’a pas, mais on ne manque jamais de choses à désirer. C’est le propre de la consommation. “Peu importe le flacon, tant qu’on ait l’ivresse”...

En même temps, ces si jolis blocs accrochent le regard et séduisent. Les authentiques rubans siglés encensent le savoir-faire à la française, attirent le regard sur les marques. Paradoxe ? Ouvertement, oui. Hypocrisie ? Pas tant que ça. Allons plus loin...

Cet obscur objet du désir...

De son propre aveu, Janklo a toujours été fasciné par Yves Klein, artiste provocateur de l’art contemporain qui a longtemps beaucoup divisé.

Il raconte ainsi : ”Le 28 avril 1958, le grand Yves Klein accueillait le « tout Paris » pour son exposition « le vide » à la galerie Iris Clerc. Rien sur les murs, rien dans la pièce. Juste Klein et son discours enflammé... Le scandale fut grand... Et le grand illusionniste peintre de l’espace se jeta dans le vide... à coups de montages photos...

Son International Klein Blue... qui n’a jamais été le sien... ses tableaux dont certains étaient peints au rouleau par sa galeriste, ces corps -de jolies femmes nues- recouverts de peinture et se pressant contre une toile... Klein, brassant l’air de ses bras et de sa voix nasillarde, m’a toujours fasciné. Il a vendu du vide ? J’allais en emballer.”

Cynisme ? Pas forcément. Car, à bien y regarder, le vide n’est jamais vide de sens. Et il n’est pas anodin quand on considère le monde du luxe. Après tout, ce que vendent ces marques, est le fantasme, le désir à l’état brut. Et y-a-t-il quelque chose de plus impalpable, mais aussi de plus puissant que le désir ? Et sait-on jamais, au fond, ce que l’on désire ? C’est là que les boîtes de vide de Janklo révèlent un autre sens, plus profond…

Janklo : Révélateur de sens

Pour mieux comprendre l’oeuvre de Janklo, il faut revenir sur l’origine des Vacuity Boxes.

Il y a de ça quelques années, un homme et une femme se rencontrent. Ils parlent d’art contemporain avec passion, elle lui demande s’il est artiste. Il lui répond que non, il n’est “que” galeriste. “Si, vous êtes un artiste”, lui répond-elle,s’approchant et posant sa main sur sa poitrine. Cette phrase résonne en lui, rendez-vous est pris dans un mois. Lorsqu’ils se revoient, il vient avec un simple ruban. Simple ? Pour Janklo, ce jour-là, ce ruban était offrande de l’espérance. Et ce fut le début d’une aventure artistique et humaine. Forte...

Au-delà de la réflexion, de la dénonciation, Janklo est un romantique, un idéaliste en quête d’absolu. On est toujours heureux, excité, lorsqu’on nous tend un paquet cadeau. Le contenu est invisible, mais il y a de la magie dans cet emballage, dans ces rubans si joliment noués. On est touchés par l’intention, mais aussi par les possibilités qui se cachent à l’intérieur. “On jouit moins de ce qu'on obtient que de ce qu'on espère”, écrivait Jean-Jacques Rousseau.

Le cadeau invisible que contient ces “boîtes de rien”, c’est du potentiel à l’état pur. Potentiel de bonheur, potentiel de vie. De même, une relation peut se révéler épanouissante ou destructrice sur le long terme, mais y-a-t-il quelque chose de plus puissant, de plus poignant, que le moment où elle s’esquisse, cet instant fragile où tout est encore incertain, mais possible ?

Et Janklo, alors, de nous révéler son secret, celui qui nous habite tous au fond, et qui pourrait prendre la forme de cette phrase d’Oscar Wilde : “On ne voit quelque chose que si l'on en voit la beauté”.

Les Vacuity Boxes de Janklo ne sont pas “vides” : elles nous mettent face à notre quête de sens, notre désir de beauté, même si celui-ci prend parfois une forme un peu vaine...

Alors, pour ne pas céder au cynisme et aux sirènes du désespoir, nous vient cette phrase célèbre du Petit Prince de Saint-Exupéry : “On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.”

Les Vacuity Boxes ont été exposées dans plusieurs galeries prestigieuses à travers le monde : à Paris, Londres, Genève, Venise… A Lyon, elles sont visibles aux deux adresses de la Galerie Petitjean, à Lyon 2ème et Lyon 5ème. N’hésitez pas à nous contacter pour tout renseignement.